La loi de finance rectificative instaure une mesure anti-abus pour l’amortissement du fonds de commerce
Après avoir instauré la possibilité de déduire fiscalement l’amortissement comptable du fonds de commerce, la loi de finance pour 2022 a été complétée sur ce point par la loi de finance rectificative n°2022-1157 du 16 août 2022, laquelle a limité le champ de ce régime en excluant les fonds de commerce dont l’acquéreur et le cédant serez« liés ». Cette mesure paraissant tout à fait anodine, annoncée comme une « mesure anti-abus », présente pourtant des conséquences drastiques pour les entrepreneurs individuels.
Régime précédent - l’instauration de l’amortissement comptable ET fiscal du fonds de commerce pour tous depuis le 1er janvier 2022
Sur le plan fiscal, le principe initial était la non-déduction de l’amortissement comptabilisé, et donc la réintégration de cet amortissement dans le résultat fiscal de l’entreprise. Par conséquent, la dépréciation du fonds de commerce ne pouvait être constaté, sur le plan fiscal,que par voie de provisions.
Dans le cadre du plan en faveur des indépendants présenté par le Président de la République en septembre 2021, la loi de finance n°2021-1900 du 30 décembre 2021 a mis en place un régime temporaire permettant de déduire fiscalement l’amortissement comptable des fonds de commerce acquis entre le 1erjanvier 2022 et le 31 décembre 2025. Ce régime s’applique quel que soit le mode d’acquisition du fonds de commerce et que cette acquisition soit à titre onéreux ou gratuit.
La mesure « anti-abus » introduite par la loi de finance rectificative pour les apports et cessions à soi-même
La loi de finance rectificative précise ce qu’elle entend par ce lien et distingue deux hypothèses :
2° Les entreprises placées sous le contrôle de la même personne physique.
Cette deuxième hypothèse a été créée de toute pièce parla loi de finance rectificative. Elle concerne les fonds de commerce acquis /cédés par des entreprises dont le capital est, de manière directe ou par personne interposée, détenu majoritairement par la même personne physique, mais aussi, et en particulier, les fonds de commerce apportés par des entreprises individuelles à des sociétés contrôlées majoritairement par la même personne physique.
Ceci empêche donc tout entrepreneur individuel qui apporte son entreprise individuelle ou une branche complète d’activité à sa société nouvellement créée de déduire fiscalement l’amortissement comptable du fonds de commerce ainsi apporté.
Cette mesure « anti-abus » entre en vigueur pour toute cession de fonds de commerce réalisée à compter du 18 juillet 2022.
Elle a rappelé que le dispositif de faveur instauré parla loi de finance du 30 décembre 2021 a pour objet de « soutenir la reprise et la continuité de l’activité économique, dans le contexte de sortie de crise liée à l’épidémie de Covid-19, et d’encourager le rachat de fonds commerciaux, en réduisant le coût lié à la reprise d’une entreprise pour tout investisseur ».
L’objectif était de soutenir le cessionnaire qui prend un risque en investissant dans l’acquisition d’un fonds de commerce dans le contexte actuel. Ce soutien se matérialise par l’économie d’impôt que constitue la déduction fiscale de l’amortissement comptable du fonds de commerce ainsi acquis.
Il ne s’agissait donc pas de permettre à une personne des céder son fonds de commerce à soi-même dans le but (sous-entendu unique) de profiter d’une telle optimisation fiscale. L’on peut penser ici aux schémas de restructuration d’entreprises pensés dans le but (unique) de réaliser une économie importante d’impôt.
C’est dans cette optique que l’Assemblée Nationale a proposé cet amendement, lequel a été validé par le Sénat et définitivement adopté dans le cadre de la loi de finance rectificative, sans modification.
Cette position adoptée par le Parlement peut paraître injustifiée et profondément stigmatisante.
En effet, le législateur est parti du postulat que les entrepreneurs qui cèderont leur fonds de commerce à une société contrôlée par eux, notamment via apport en société, auraient pour unique objectif cet avantage fiscal que représente la déduction de l’amortissement comptable du fonds de commerce ainsi cédé / apporté.
Or, l’apport en société d’un fonds de commerce précédemment exploité sous forme d’entreprise individuelle est très commun et l’était déjà avant l’instauration de cet avantage fiscal. C’est généralement l’effet tout simplement du développement de l’entreprise, et notamment d’un développement financier et opérationnel impliquant des investissements en moyens matériels et humains.
En application de cette mesure anti-abus, il serait donc fiscalement plus avantageux d’investir dans le fonds de commerce d’une tierce personne plutôt que de continuer à s’investir dans sa propre entreprise. Un non-sens économique qui contredit totalement l’objectif affiché du Parlement de soutenir les entrepreneurs face aux effets économiques de la crise sanitaire de ces dernières années.
D’autant plus que, comme l’a d’ailleurs indiqué le Sénat dans son analyse des articles du projet de loi, les réels comportements d’optimisation abusive de la part d’entrepreneurs ayant cédé leur fonds de commerce à une entité contrôlée par eux dans l’unique intention de bénéficier de cet avantage fiscal « doivent déjà pouvoir donner lieu à une requalification par les services de contrôle de l'administration fiscale en abus de droit ». Un simple contrôle des motifs des entrepreneurs qui apportent leur fonds de commerce en société par l’administration fiscale aurait suffi pour évincer les fraudeurs sans impacter pour autant les entrepreneurs honnêtes qui continuent de s’investir pour développer leur entreprise.
Après avoir instauré la possibilité de déduire fiscalement l’amortissement comptable du fonds de commerce, la loi de finance pour 2022 a été complétée sur ce point par la loi de finance rectificative n°2022-1157 du 16 août 2022, laquelle a limité le champ de ce régime en excluant les fonds de commerce dont l’acquéreur et le cédant serez« liés ». Cette mesure paraissant tout à fait anodine, annoncée comme une « mesure anti-abus », présente pourtant des conséquences drastiques pour les entrepreneurs individuels.
Régime précédent - l’instauration de l’amortissement comptable ET fiscal du fonds de commerce pour tous depuis le 1er janvier 2022
Sur le plan comptable, le fonds de commerce est amortissable sur sa durée d’utilisation, si celle-ci est limitée dans le temps et que cette durée est déterminable par l’entreprise, ou, le cas échéant, sur 10 ans lorsque sa durée d’utilisation est difficilement déterminable ou lorsque le fonds est acquis par une petite entreprise
Pour rappel, une petite entreprise au sens de l’article L. 123-16 du Code de commerce se définit comme une entreprise qui ne dépasse pas deux des trois seuils suivants :
- un montant net de chiffre d'affaires de 12 millions d'euros,
- un total de bilan de 6 millions d'euros et
- un nombre moyen de salariés employés au cours de l'exercice qui ne dépasse pas 50.
Sur le plan fiscal, le principe initial était la non-déduction de l’amortissement comptabilisé, et donc la réintégration de cet amortissement dans le résultat fiscal de l’entreprise. Par conséquent, la dépréciation du fonds de commerce ne pouvait être constaté, sur le plan fiscal,que par voie de provisions.
Dans le cadre du plan en faveur des indépendants présenté par le Président de la République en septembre 2021, la loi de finance n°2021-1900 du 30 décembre 2021 a mis en place un régime temporaire permettant de déduire fiscalement l’amortissement comptable des fonds de commerce acquis entre le 1erjanvier 2022 et le 31 décembre 2025. Ce régime s’applique quel que soit le mode d’acquisition du fonds de commerce et que cette acquisition soit à titre onéreux ou gratuit.
La mesure « anti-abus » introduite par la loi de finance rectificative pour les apports et cessions à soi-même
La mesure adoptée
Le champ d’application du régime temporaire d’amortissement fiscal du fonds de commerce a été limité par la loi de finance rectificative, laquelle exclut de ce dispositif les fonds de commerce acquis par des entreprises « liées » aux cédant.
La loi de finance rectificative précise ce qu’elle entend par ce lien et distingue deux hypothèses :
1° Les entreprises liées au sens de l’article 39, 12 du CGI, à savoir :
- Lorsque l’une des deux entreprises détient directement ou par personne interposée la majorité du capital de l'autre ou y exerce de facto le pouvoir de décision ;
- Lorsque les deux entreprises sont placées sous le contrôle d'une tierce entreprise qui détient la majorité de leur capital, directement ou indirectement, ou exerce en fait le pouvoir de décision.
2° Les entreprises placées sous le contrôle de la même personne physique.
Cette deuxième hypothèse a été créée de toute pièce parla loi de finance rectificative. Elle concerne les fonds de commerce acquis /cédés par des entreprises dont le capital est, de manière directe ou par personne interposée, détenu majoritairement par la même personne physique, mais aussi, et en particulier, les fonds de commerce apportés par des entreprises individuelles à des sociétés contrôlées majoritairement par la même personne physique.
Ceci empêche donc tout entrepreneur individuel qui apporte son entreprise individuelle ou une branche complète d’activité à sa société nouvellement créée de déduire fiscalement l’amortissement comptable du fonds de commerce ainsi apporté.
Cette mesure « anti-abus » entre en vigueur pour toute cession de fonds de commerce réalisée à compter du 18 juillet 2022.
Le fondement d’une telle mesure
Cette mesure a été proposée par voie d’amendement par l’Assemblée Nationale.Elle a rappelé que le dispositif de faveur instauré parla loi de finance du 30 décembre 2021 a pour objet de « soutenir la reprise et la continuité de l’activité économique, dans le contexte de sortie de crise liée à l’épidémie de Covid-19, et d’encourager le rachat de fonds commerciaux, en réduisant le coût lié à la reprise d’une entreprise pour tout investisseur ».
L’objectif était de soutenir le cessionnaire qui prend un risque en investissant dans l’acquisition d’un fonds de commerce dans le contexte actuel. Ce soutien se matérialise par l’économie d’impôt que constitue la déduction fiscale de l’amortissement comptable du fonds de commerce ainsi acquis.
Il ne s’agissait donc pas de permettre à une personne des céder son fonds de commerce à soi-même dans le but (sous-entendu unique) de profiter d’une telle optimisation fiscale. L’on peut penser ici aux schémas de restructuration d’entreprises pensés dans le but (unique) de réaliser une économie importante d’impôt.
C’est dans cette optique que l’Assemblée Nationale a proposé cet amendement, lequel a été validé par le Sénat et définitivement adopté dans le cadre de la loi de finance rectificative, sans modification.
Et pourtant…
Cette position adoptée par le Parlement peut paraître injustifiée et profondément stigmatisante.
En effet, le législateur est parti du postulat que les entrepreneurs qui cèderont leur fonds de commerce à une société contrôlée par eux, notamment via apport en société, auraient pour unique objectif cet avantage fiscal que représente la déduction de l’amortissement comptable du fonds de commerce ainsi cédé / apporté.
Or, l’apport en société d’un fonds de commerce précédemment exploité sous forme d’entreprise individuelle est très commun et l’était déjà avant l’instauration de cet avantage fiscal. C’est généralement l’effet tout simplement du développement de l’entreprise, et notamment d’un développement financier et opérationnel impliquant des investissements en moyens matériels et humains.
En application de cette mesure anti-abus, il serait donc fiscalement plus avantageux d’investir dans le fonds de commerce d’une tierce personne plutôt que de continuer à s’investir dans sa propre entreprise. Un non-sens économique qui contredit totalement l’objectif affiché du Parlement de soutenir les entrepreneurs face aux effets économiques de la crise sanitaire de ces dernières années.
D’autant plus que, comme l’a d’ailleurs indiqué le Sénat dans son analyse des articles du projet de loi, les réels comportements d’optimisation abusive de la part d’entrepreneurs ayant cédé leur fonds de commerce à une entité contrôlée par eux dans l’unique intention de bénéficier de cet avantage fiscal « doivent déjà pouvoir donner lieu à une requalification par les services de contrôle de l'administration fiscale en abus de droit ». Un simple contrôle des motifs des entrepreneurs qui apportent leur fonds de commerce en société par l’administration fiscale aurait suffi pour évincer les fraudeurs sans impacter pour autant les entrepreneurs honnêtes qui continuent de s’investir pour développer leur entreprise.
En quoi cette mesure s’instaure-t-elle dans le plan en faveur des indépendants tant mis en avant par le Gouvernement et le Parlement ? Les discussions qui s’annoncent nombreuses sur ce point nous en diront plus…