La Loi de Finances pour 2019 et la Loi Pacte était restée silencieuse sur l'assujettissement, ou non, à la TVA, des ICO.
La qualification retenue par la Loi Pacte et la Loi de Finances 2019 des ICO et des cryptomonnaies en "actifs numériques" et non en monnaie virtuelle ou en titres financiers, laissait à penser que les émissions ou les échanges pourraient ne pas bénéficier des exonérations en matière de TVA applicables à ces supports.
Bercy vient de se prononcer dans un rescrit publié au 7 août 2019 :
1 - L'émission d'ICO n'est pas soumise à la TVA
Bercy précise effectivement que, compte tenu de l'aléa sur le principe même des contreparties futures, l'on ne peut permettre d'assujettir à la TVA l'émission de jetons dans le cadre d'une offre publique.
Se pose alors la question de la TVA supportée pour l'émission des ICO (honoraires des conseils, de prestataires, etc.) : peut-on déduire cette TVA supportée ou est-elle perdue ? Bercy confirme que la TVA supportée dans le cadre d'une opération d'émission de jetons sera déductible, en frais généraux, à condition qu'ils constituent bien sûr un élément constitutif du prix des biens ou des services qu'il fournit. Il faudra s'assurer que l'émetteur est bien un assujetti, agissant en tant que tel, qui exerce des activités imposables et non exonérées à la TVA.
2 - La conversion de l'ICO sera soumise à la TVA
Bercy précise toutefois que si le jeton est converti et est utilisé afin de bénéficier du service ou acquérir le produit pour lequel il a été émis, l'opération de vente (du bien ou du service) sera soumise à la TVA.
Plus précisément, les règles en matière de TVA précisent que la base d'imposition est constituée, pour les livraisons de biens et les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations.
Dès lors, lorsque l'émetteur a commercialisé ses jetons auprès d'un acquéreur, avec l'engagement de les convertir pour paiement de possibles futurs biens ou services, la base d'imposition à la TVA de la prestation de service ou de la livraison de biens effectuée par l'émetteur lors de l'utilisation du jeton sera constituée par le montant de souscription initiale du jeton.
Bercy indique effectivement que cette valeur sera égale au montant de la contrepartie obtenir lors de la vente initiale du jeton, indépendamment des fluctuations, à la hausse comme à la baisse ,qui auraient pu affecter leur valeur entre la date de leur acquisition et celle de leur utilisation. Et donc indépendamment, également, des prix de revente successifs entre les détenteurs du jeton.
Toutefois, afin d'éviter un dévalorisation du jeton, Bercy précise que si, au moment de la conversion de l'ICO, la contrepartie obtenue par le fournisseur (à savoir le prix initialement payé pour ce jeton) s'avère sans relation avec l'avantage reçu, les opérations devront être considérées comme effectuées gratuitement, ou pour une contrepartie symbolique de l'émetteur. Ce dernier devra en tirer les conséquences qui s'imposent au regard de la régularisation de la TVA déduite.
3- Les émissions, échanges et conversions de STO sont exonérés de TVA et ne sont pas soumis au régime TVA des actifs numériques
Bercy précise enfin que cette règle ne trouvera pas à s'appliquer à ce qu'on appelle des STO (security token), autrement dit lorsque le jeton émis ne confère à son bénéficiaire qu'un droit à percevoir des dividendes et/ou à prendre des décisions au sein de la société émettrice.
Dans ce cas, puisque le STO aura la même fonction qu'une action ou qu'une part sociale, aucune TVA ne sera due tant sur l'opération d'émission que sur l'opération de conversion (versement de dividendes et/ou utilisation des droits de vote).
Bercy en profite pour rappeler qu'au sens de la TVA, comme en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés, les STO ou autres actifs numériques remplissant les caractéristiques des instruments financiers ne peuvent être qualifiés de bon ou de jeton au sens de la TVA et empruntent le régime des titres financiers.
4- Les échanges de cryptomonnaie ou d'ICO restent exonérés de TVA
Enfin, Bercy confirme que les échanges d'actifs numériques (crypto ou ICO), soit entre eux, soit contre des monnaies FIAC, sont exonérés de TVA - comme en matière d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu.
Pour en savoir plus : Rescrit n° BOI-RES-000054-20190807