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Mécénat d'entreprise, les dernières nouveautés


La Chasse à la Philanthropie ?

Guerre aux niches fiscales, pourquoi pas. Mais en y incluant le mécénat d'entreprise, le Gouvernement ne fait-il pas fausse route ? La suppression des emplois aidés en 2017, le durcissement des obligations déclaratives en 2019, et désormais la proposition de suppression du régime fiscal de mécénat d'entreprise, pourraient mettre à mal le secteur associatif français, qui a déjà enregistré en 2018 une baisse globale de dons de près de 4%.

Face à ce dernier projet, plusieurs associations reconnues, écoles de commerce et lobbys se sont alors mobilisés afin d'éviter que le régime actuel de mécénat d'entreprise soit supprimé, au détriment du secteur associatif grandement dépendant des dons du privé, qui peine déjà à faire face à la baisse des subventions publiques. 

Retour sur ces dernières mesures et propositions :

Les nouveautés en matière de mécénat d'entreprise depuis la loi de finances pour 2019

Pour rappel, deux régimes existent en termes de don aux associations :
  • les dons faits par les particuliers (entre 66 et 75% selon l'objet poursuivi par l'association dans la limite de 20% du revenu imposable)
  • le mécénat d'entreprise (60% des dons dans la limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires annuel hors taxe, hors spécificités pour l'acquisition d’œuvres ou de biens publics).

La Loi de finances pour 2019 votée en décembre 2018 avait d'ores et déjà apporté quelques amendements au régime de mécénat d'entreprise, telles que :
  • l'extension du régime fiscal applicable aux festivals de cinémas aux festivals de série par la création d'une catégorie général de "présentation au public d’œuvres audiovisuelles" (autrement dit, peuvent être éligibles au régime de mécénat d'entreprise ou de dons des particuliers les organismes dont l'activité principale consiste en la présentation au public d’œuvres audiovisuelles, en ce compris les séries)
  • l'instauration d'un plafond alternatif de 10 000 € (initialement, le plafond était seulement de 5 pour mille du chiffres d'affaires, plafond malheureusement trop vite atteint pour les TPE et PME), applicable pour les versements effectués au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2019 - qui n'entrera donc en vigueur qu'à compter de 2020
  • l'obligation de déclaration, à l'administration fiscale, de tout don lorsque le montant total des dons versés par une même entreprise excède 10 000 €. Cette déclaration devra être réalisée à l'occasion du dépôt des liasses fiscales
  • la sanction en cas de délivrance irrégulière d'attestations de versement de dons a été réinstaurée depuis son annulation par le Conseil d’État. Désormais, la délivrance irrégulière d'attestations permettant d'obtenir un avantage fiscal fera l'objet d'une amende soit calculée d'après le taux de réduction obtenu appliqué sur les sommes indument mentionnées sur lesdits documents, soit, à défaut de précisions sur l'attestation, égale au montant de la réduction d'impôt obtenue.

La Loi de Finances pour 2019 avait déjà annoncé le souhait de durcir le régime du mécénat d'entreprise. Les dernières propositions pour 2020 peuvent-elles aller encore plus loin ?

L'annonce du projet de suppression du régime actuel de mécénat d'entreprise

L'incendie de Notre Dame de Paris a profondément interrogé le public sur le régime actuel de mécénat d'entreprise.

Si une décision d'accroître à 75% plutôt que 66% le taux de réduction d'impôt pour les sommes versées au titre de sa conservation et reconstruction pouvait être favorablement accueillie,  les propositions (que certains qualifient d'affolantes) de dons pour la reconstruction de Notre Dame ont au contraire fait réfléchir sur le caractère véritablement philanthropique de ces dons / économie d'impôt. Ces débats ont amené le public à s'interroger sur la remise en cause du régime même du mécénat et du don.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement a fait connaître son souhait d'inscrire dans le projet de Loi de Finances pour 2020 différentes mesures visant à supprimer, purement et simplement, le régime du mécénat d'entreprise, s'inspirant des régimes applicables notamment aux États-Unis (aucune réduction d'impôt, le mécénat restant purement philanthropique). 

De nombreux lobbys et associations se sont alors réunis afin de souligner la catastrophe que pourrait avoir, pour les associations françaises, la remise en cause du régime de mécénat d'entreprise, même limité aux seules grandes entreprises.

Le 20 juin 2019, leur voix était portée devant le Sénat par M. Vincent SEGOUIN (question écrite n° 10989 publiée dans le JO Sénat du 20/06/2019 page 3141). Il sollicitait alors du Gouvernement qu'il renonce à son projet de suppression du mécénat d'entreprise et qu'il s'engage à pérenniser les dispositifs existants au profit des causes d'intérêt général et des populations les plus fragilisées, en particulier sur les territoires ruraux. Cette question n'a à ce jour connu aucune réponse du Ministère de l'action et des comptes publics.

Les discussions en cours prônent désormais le maintien du régime actuel de mécénat d'entreprise... au moins jusqu'en 2021

L'administration fiscale vient de publier ses observations sur les mesures adoptées par la Loi de Finances pour 2019 et n'a pas souhaité en limiter la portée. Elle vérifiera simplement le bon respect de la régularité de la délivrance des attestations de dons et a précisé la date d'entrée en vigueur des différentes mesures.

On pourra retenir toutefois que les mesures adoptées en faveur des entreprises n'entreront en vigueur qu'en 2020 (plafond alternatif de 10 000 €), quand toutes les mesures permettant de contrôler la véracité des déclarations ou de sanctionner les abus sont applicables dès 2019 (obligation de déclaration, sanctions en cas de délivrance irrégulières d'attestation).

Bercy a toutefois précisé que les obligations déclaratives nouvelles n'étaient bien applicables qu'aux entreprises versant les dons, et non aux associations qui perçoivent ces dons, celles-ci devant simplement s'assurer du bon respect des règles en termes de délivrance d'attestation.

En parallèle, Bruno Le Maire annonçait cet été que le régime de mécénat d'entreprise, tout comme le CIR, ne devrait pas être remis en cause en 2020, ou en tout cas sera reporté à l'année suivante, le Gouvernement souhaitant considérablement diminuer la dette de l’État et récupérer les 1,3Mds de niches fiscales en faveur des plus grandes entreprises.


Attendons donc le projet de loi de finances pour 2020 d'automne prochain pour vérifier si les promesses de maintien du régime actuel de mécénat d'entreprise seront tenues...