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Genius Act vs MiCA : le game des titans

En juillet dernier, Trump surprenait en signant le Genius Act, première réglementation européenne, visant à réguler l'émission et l'usage de stablecoins (et notamment les USDC, USDT, etc.) sur le sol américain. 

Si d'apparence, le Genius Act peut paraître plus stricte encore que MiCA, les conséquences pour nos acteurs européens ne sont pas neutres : on privilégie finalement les acteurs américains en apportant finalement un cadre d'adoption plus lourd pour les acteurs européens. 

Tether en est d'ailleurs le premier bénéficiaire : boudé par l'Europe car refusant de se soumettre à certaines des demandes de nos institutions européennes exigées depuis MiCA notamment, voit désormais être accueilli à bras ouvert par le gouvernement de Trump. 

Qu'est-ce que prévoit le Genius Act ? 

Le Genius Act est clair : il ne sera plus possible d'émettre des stablecoins si facilement sur le sol américain ou à destination de détenteurs ou de plateformes américaines. Seuls certains émetteurs, répondant à des conditions strictes, y seront permis. 
 
En résumé, les grandes lignes 
  • Émetteurs autorisés uniquement : Seuls pourront émettre des stablecoins les filiales d'institutions de dépôt assurées (avec approbation), des émetteurs fédéraux qualifiés (approuvés par l'OCC), ou à défaut, des émetteurs d'État qualifiés (approuvés par régulateurs d'État), avec ouverture possible aux acteurs étrangers sous conditions (et notamment approbation par l'OCC) 
  • Les émetteurs doivent maintenir des réserves 1:1 comprenant des espèces et monnaie US ou comptes Federal Reserve, des dépôts à vue dans institutions assurées, des bons du Trésor (≤ 93 jours), des accords de pension garantis overnight, et/ou des fonds monétaires gouvernementaux, et devront s'engager à publier mensuellement la composition de leurs réserves
  • Pour respecter les règles applicables aux luttes anti-blanchiment, les émetteurs devront également se soumettre aux règles du Bank Secrecy Act, à certains programmes de conformité non encore détaillés à ce jour, et pouvoir justifier des capacités techniques pour bloquer / geler les tokens. 
  • Financiarisation des stablecoins : contrairement à ce que l'on connait aujourd'hui, les émetteurs devront interdire tout rendement aux détenteurs des stablecoins (revenus de stacking ou de staking selon les propositions réalisées par les plateformes). Il ne sera donc plus possible de générer d'intérêts avec des stablecoins sur dollar américain.  

Ces règles, finalement bien plus strictes que ce que l'on peut trouver en Europe, pourraient permettre finalement de restaurer plus d'équité entre les acteurs européens et américains et peut être amener à apporter plus de force au stablecoin européen que nous attendons tous ... Mais ne pas faire plaisir aux structures et exchanges qui proposaient de staker vos USDC. 

Quelles sont les différences entre le Genius Act et MiCA ? 

Portée et champ d'application de chacune des réglementations crypto 

  • MiCA a une portée bien plus large que Genius Act, car il s'applique à tous les cryptoactifs, et tous les prestations de services, quand finalement, le Genius Act ne s'applique qu'aux stablecoins servant au paiement (EMTs ou e-money tokens). MiCA s'applique d'ailleurs à tous les stablecoins, et non uniquement aux EMTs. Les ARTs (asset-referenced tokens) ne sont ainsi pas écartés.  
  • Cette différence permet à MiCA d'apporter une régulation complète de l'écosystème crypto-européen et d'harmoniser ainsi les règles et cela, dans les 27 pays européens, quand les cryptoactifs peuvent être soumis à différentes réglementations selon la nature des actifs ou leur usages (SEC, CFTC, etc.). 
  • Egalement, il est à noter que si MiCA s'applique de manière uniforme dans les 27 pays européens (grâce à ce que l'on appelle le "passeport européen"), Genius Act lui peut avoir des appréciations différentes selon les Etats (régulation fédérale possible), ce qui peut être parfois un atout, ou une vraie difficulté. 
  
Par contre, si les deux solutions sont limitatives quant aux acteurs qui pourront investir leur marché respectif, MiCA reste plus strict ici. 
  • MiCA exigera des émetteurs étrangers qu'ils établissent une entité sur le sol européen, à défaut de quoi ils devront limiter les transactions sur sol européen à 1 million de transactions ou pour 200M€ par jour. 
  • Le GENIUS ACT de son côté autorise aux acteurs étrangers de s'investir, mais ils devront respecter les mêmes conditions que celles exigées pour les acteurs locaux, devront s'enregistrer auprès de l'OCC, devront faire l'objet d'une supervision et constituer des réserves sur le sol américain.  

Quels sont les différents niveaux de régulation proposés par MiCA et Genius Act ? 

MiCA, en tant que réglementation européenne, apporte aux acteurs européens un cadre intéressant : la supervision est centralisée, auprès de l'EMSA et l'EBA, ainsi qu'auprès des autorités nationales, et la validation au sein d'un Etat s'étend aux 27 pays. Cela permet ainsi des standards techniques uniformes, et une coordination simplifiée. 

Genius Act est bien sûr un peu plus différent. Compte tenu de la possible intervention des Etats fédéraux, la supervisation est hybrides : des régulateurs fédéraux et des régulateurs étatiques peuvent se confronter (OCC, Fed, FDIC, etc.), selon le type d'émetteur. 

Il est simplement précisé qu'un seuil de transition de 10Mds $ sera exigé pour un passage au niveau fédéral. 

Pour préserver les investisseurs, MiCA et Genius Acte ont ensemble prévu des exigences en terme de réserves à constituer et à préserver, toutefois les règles sont particulièrement différentes. Les deux réglementations exigent des stablecoins servant au paiement (EMTs) une réserve de 1:1 de la devise à laquelle les jetons sont rattachés. Toutefois, c'est dans la composition de ces réserves que l'on retrouve quelques différences. MiCA sera plus souple ici, puisqu'elle permettra que seul 3°% de ces réserves soient conservées. Pour le reste, les deux autorisent que ces réserves puissent être constituées d'autre chose que des liquidités (comme par exemple, des titres gouvernementaux ou fédéraux pour les US, des bons du trésor, etc.). 

Et si le particulier veut racheter ses stablecoins ? MiCA exigera que le rachat se fasse gratuitement, à la valeur nominale, sans aucun frais, et le plus rapidement possible (avec conditions supplémentaires pour les stablecoins ARTs), quand Genius Act exige une convertibilité à tout temps, et interdit tous frais. 

Et que se passe-t-il en cas de faillite ? Ici, c'est Genius Act qui l'emporte : MiCA soumettra l'entreprise aux droits classiques en la matière, même s'il tente de mettre en place toute approche préventive sur le sujet, quand Genius Act exigera que les détenteurs soient payés en premier sur les réserves constituées, et cela de manière rapide. On exclue ainsi les réserves de la masse faillie pour toujours assurer le paiement des détenteurs. 

MiCA et Genius Act s'accordent toutefois sur certains points 

Les deux régimes interdisent le paiement de tous intérêts sur les stablecoins (revenus de stacking ou de staking) et exigeront la constitution de partage de réserves avec des fonds opérationnels pour s'assurer d'une préservation des finances des particuliers. 


Conclusion : lequel de l'Europe ou des Etats-Unis, gagnera la course pour devenir la capitale des cryptoactifs ? 


La concurrence se renforce donc un peu plus entre les Etats-Unis et l'Europe : les américains apportent un cadre strict tout en permettant d'influer positivement les acteurs présents sur leur sol (et notamment Tether qui était boudé depuis MiCA, ayant refusé de se conformer aux exigences des livrets e-money), et tirent un sacré boulet aux projets de la BCE de devenir le premier acteur étatique à émettre ses stablecoin. 

Pour résumer, MiCA offre un cadre complet et harmonisé aux 27 marchés européens, est déjà opérationnel et couvre tous types de cryptoactifs mais jugé trop complexe pour les acteurs européens, trop lourd pour les acteurs non européens (ex. Tether), et en voulant protéger de trop la souveraineté monétaire européenne, empêche aux acteurs du secteur de se développer de manière sereine et forte. 

Le Genius Act peut de son côté paraître limité, puisque n'apportant un cadre qu'aux stablecoins, et qu'à une portion des stablecoins, et encore incertain quant à sa date d'application, offre toutefois une clarté juridique bienvenue pour les stablecoins, un peu plus de pouvoir fédéral (et donc une possible rapidité d'intégration), et une protection plus grande pour leurs détenteurs qui sont assurés de toujours retrouver les fonds investis. 

Il présente ainsi un intérêt certain pour la scène crypto... 

La BCE appelle d'ailleurs à un allégement de MiCA, sans obtenir une écoute attentive de la Commission européenne, campant sur ses positions quant à MiCA. 

Le retard pris par l'Europe commence à se faire sentir : les investissements crypto en Europe n'ont jamais été aussi bas depuis 4 ans, sans compter la baisse drastique du nombre de projets professionnels en matière de cryptoactifs. 

Le Genius Act devrait entrer en vigueur d'ici à 2028. 



Article publié le 29 septembre 2025
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